Depuis combien de temps fais-tu de la photographie et comment la pratiques-tu ?
J’ai commencé la photo au siècle dernier, avec l’appareil photo familial un Kodak Instamatic (avec les cartouches), j’avais 14 ans, une sortie à Paris. Déjà adolescent j’avais choisi de prendre en photo à la gare Saint Lazare le prototype du TGV, qui est aujourd’hui à Belfort le long de l’A36, le Centre Beaubourg qui venait d’ouvrir – Renzo Piano son architecte que j’ai pu rencontrer à Ronchamp depuis – et enfin une bouche de métro Art Déco Emile Guimard. Je pense que ces trois photos préfiguraient déjà mon intérêt pour la photo.
17 ans, premier job d’été, premier salaire, premier réflex, un Fuji AX3 (que j’ai toujours). J’ai donc eu la chance de découvrir la photo à l’époque de l’argentique, j’ai développé mes films noir & blanc Ilford et fait mes tirages en labo. Il y a moins de 10 ans je suis passé au numérique. Internet m’a permis de montrer mes photos qui restaient jusqu’à présent pour moi. Je me qualifie de «zéro humain», je m’intéresse à tout ce que ce que délaisse l’être humain : friches industrielles, habitations, trains, bus, voitures, navires… mon rêve aller aux États-Unis dans un cimetière d’avions. Je n’ai pas une approche nostalgique, mais j’essaie de montrer la trace ou l’empreinte de l’homme sans sa présence. Là où le grand public détourne le regard face à un lieu abandonné, a tendance à vouloir le voir disparaître car disgracieux à ses yeux, moi j’y trouve une certaine poésie. Quelque part j’estime contribuer à la mémoire du patrimoine industriel avant destruction.
Je suis revenu à l’argentique, avec des vieux coucous achetés en brochante, avec mes anciens reflex, ou depuis deux ans au moyen format (Mamiya M6), prochain rêve me mettre à la chambre.
As-tu déjà exposé tes images avant le Festiv’Art Photo ?
Ma première véritable exposition c’était à l’Art Dans La Rue à Luxeuil il y 3 ans. Cela a été pour moi la première occasion de discuter avec des personnes qui venaient voir mes photos. Ça a été presque un choc de constater que des personnes aimaient mon travail. À coté de mon stand il y avait un autre photographe, Jean-Charles Ouvrard. Il m’a présenté deux potes photographes, quelques semaines plus tard nous avons créé le collectif « Les Tontons Shooters »
Que ressens-tu au fait de participer à la première édition d’un nouveau festival ?
Je suis un grand timide et pudique, ce sont les potes des Tontons Shooters qui me « poussent » à exposer. C’est par le collectif lors d’une exposition à Arbouans que j’ai rencontré d’autres photographes qui depuis sont devenus les organisateurs de ce nouveau festival. J’avoue que je suis plus à l’aise dans un festival organisé par des potes. Pour avoir eu par le passé des responsabilités associatives je sais quel investissement représente une telle organisation, notamment une première. C’est un plaisir d’essuyer les plâtres.
En tant qu’exposant, quelles sont tes attentes de ces 3 jours d’expositions ?
Personnellement exposer c’est toujours le plaisir de partager mon travail, je suis photographe et non pas commercial, je suis incapable de vendre, je n’attends donc aucune retombée financière. J’attends en revanche des échanges riches, avec d’autres photographes et avec le public.
Et pour finir, peux-tu brièvement nous présenter la série que tu exposeras ?
Ma série s’intitule « RN19, Traces… » Cette route de Paris qui part de la frontière Suisse à Delle pour rejoindre la capitale était au siècle dernier le seul axe pour se rendre à Paris. Le poumon économique transitait par cette route, camions, voitures particulières. Sur le bord des routes, avant l’arrivée des hyper-marchés, il y avait multitude de stations service pour faire le plein, des petits garages ou l’on pouvait s’arrêter pour refaire les niveaux, des auberges, des restaurants, des boulangeries, c’était notre nationale 7 à nous…
Aujourd’hui les voitures traversent les villages sans s’arrêter, on fait près de 1.000 km avec le plein, les Fast Food nourrissent les voyageurs, et les zones commerciales ont aspiré cette clientèle de passage. Il reste dans nos villages encore quelques traces de cette époque glorieuse, cette série en montre un petit échantillon. J’ai réalisé cette série au moyen format (6×6), et au 24×36, les négatifs ont été scannés avant tirage sur Dibond ou papier photo (encadré).
Comme dans la majorité de mon travail photographique je m’impose des règles, le même type de cadrage (parallèle au sujet), un cadrage centré sans chercher à sortir de ma photo des câbles électriques ou panneaux de signalisation. Juste la vue exacte de ce qu’il y a sur le bord des routes. Ma série commence à la rose des vents, entrée de la Haute-Saône en venant de Haute-Marne.
Je propose également une deuxième série « les Petits Gris », ces trains de banlieue réformés depuis janvier 2013. Ces trains ont été construits à partir des années 50 dans les usines Carelle et Foucher de Gaillon (dans l’Eure) où j’ai habité. Ces trains en acier inoxydable sont symptomatiques d’une époque d’après guerre (les 30 glorieuses), pendant plus d’un quart de siècle ces trains ont transporté des banlieusards. Il y a en France plusieurs site de stockage de ces rames réformées, dont un à Vesoul. Je suis le seul photographe à avoir demandé officiellement à la SNCF l’autorisation d’aller sur le site pour prendre des photos (pour raison de sécurité il faut traverser la ligne Belfort-Paris), j’en ai fait profiter les Tontons Shooters.